Ces jours-ci, l’on commémore le 50e anniversaire de la révolution de mai 68. qui s’est déroulée en France. Ce mois-là, la France a vacillé sur ses bases et le monde avec. Fini les Golden sixties, cette euphorie d’après-guerre. La jeunesse se révolte contre un ordre établi où la vie est de plus en plus réglementée, figée dans un béton tout gaullien, cette droite bien pensante.
J’étais gamin en mai 68 et un vent de révolte soufflait dans les cours de récréation. Je me souviens, nous jouions à « faire la révolution en érigeant des barrages dans la cours et nous crions envers les professeurs réprimandeurs : « CRS, SS »
Pendant ce temps-là, Huguette de Broqueville prenait clandestinement un taxi à Bruxelles pour rejoindre Paris en passant par les bois pour entrer dans la France dont toutes les frontières étaient fermées par l’armée. C’est à travers les bois du Brûly (Couvin) que la terre promise s’est offerte à elle bien que le taxi devait éviter les barrages qui bloquaient la capitale en pleine ébullition. Son but ultime : traverser tous les barrages érigés par la jeunesse en ébullition pour arriver boul’Mich au siège de Calman-Levy, son éditeur. Elle a fait face aux policiers antiémeutes ou aux étudiants survoltés. Elle a escaladé tous les barrages estudiantins pour atteindre le Graal situé au milieu des combats les plus acharnés.
Entrant dans des bureaux vides, elle découvre M. Calman-Levy, à genou devant une cheminée, brûlant des documents. Le regard apeuré de ce viel homme qui avait connu l’enfer des camps ne comprenait pas l’irruption de cette femme excitée lui intimant de publier « MAINTENANT » son roman : « On ne répond pas à un crapaud« , en l’état tant ce qui qu’elle avait décrit dans un grand pressentiment, ce qui se passe aujourd’hui : la révolution des jeunes.
Calman-Levy essaie de la ramener à la réalité. « Madame, nous sommes au début de la troisième guerre mondiale. Tous les imprimeurs sont en grève, la France est en grève, le monde s’écroule ». Je suis dans l’impossibilité de publier votre manuscrit maintenant ! » Et Huguette de Broqueville s’en va, dépitée de ce bureau sentant un viel ordre qui s’écroule. Mais elle ira se baigner dans cette effervescence de l’Odéon, de la Sorbonne, des barricades…
« On ne répond pas à un crapaud » n’est pas autre chose que la description de ces jeunes se révoltant contre le pouvoir établi qui semble l’écraser comme un rouleau compresseur, jeunesse qui ne rêve que d’aventures et de grands espaces où l’expression est libre.
Son livre n’est paru qu’en septembre 1968 à la rentrée académique, la révolution avait vécu, la révolution était passée, les imprimeurs avaient repris le travail et ont fixé l’encre sur le papier pour l’éternité : le premier bouquin sur mai 68 était imprimé et vendu dans les bonnes librairies.
Gamin, je me souviens du premier passage de ma mère à la télévision en noir et blanc, interrogée par des journalistes à Paris pour la sortie de son premier roman sur un sujet aussi exaltant : la révolte des jeunes ! C’était aussi ma première découverte que ma mère, Huguette de Broqueville, que j’a appris avec le temps à l’appeler par son prénom, n’était pas une mère comme les autres : elle était aussi écrivaine !
Géry de Broqueville
1 réflexion sur « Cela fait 50 ans que l’on ne répond pas au crapaud »
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