Lydia della Faille de Leverghem

De Lydia, j’ai un cahier daté de 1913 et deux de 1914, dont l’un serait une « copie » rédigée après coup à Londres, dans une optique de spleen. Lydia a également tenu un journal en 1939, le temps de la « drôle de guerre ».

J’ai choisi la relation au jour le jour de ce premier mois de la guerre en août 1914. La nécessité éditoriale m’a contrainte à de sérieuses coupes, notamment une étonnante chasse à deux espions dans le domaine. Le journal s’arrête début septembre lorsque la famille se réfugie en Angleterre. De ce séjour de quatre ans, il ne reste presque rien. Des souvenirs, certes, qu’elle racontait à ses enfants et un texte sur les réflecteurs à Londres. Sans doute, étant élève avec ses sœurs au Couvent du Sacré Cœur de Londres, le quotidien l’a-t-il accaparée.

Les écrits et les récits de Lydia ont servi mon roman Lydia, l’éclat de l’inachevé, paru en octobre 2007 chez Michel de Maule.

Extrait

Le 1er août 1914
Nous sommes 9 enfants : Marie-Antoinette (Nany a 16 ans, moi Lydia 15 ans, ensuite Edmond 14 ans, Alex 12 ans, Anne-Marie 10 ans, Cécile 8 ans, Harold 6 ans , André 3 ans Raoul 20 mois. Si nombreux ! Mais si heureux ! Que d’événements depuis le 29 septembre, où j’ai laissé mon journal. Les faits politiques aussi bien que ceux de notre famille me disposent à reprendre la plume – Je les transcrirai rapidement pour vous mettre au courant. Le premier événement est la vente de notre belle campagne, le Lackbors à Deurne où j’ai passé de si beaux jours, que je la regrette ! La seconde nouvelle est la déclaration de la guerre. Elle est imminente entre les puissances européennes.

Les moments littéraires, n° 21, – 1er semestre 2009  

Tentation

Tentation, roman, aux éditions Michel de Maule, octobre 2009

Pour des raisons personnelles, Huguette de Broqueville avait d’abord choisi de publier ce roman en roumain (manière de pseudonyme : même nom, autre langue.) Au cas où elle déciderait de le publier en français, Pierre de Boisdeffre en avait suggéré la présentation :
Ce Beau texte, où il est question de la physique et de la métaphysique du sexe, surprendra plus d’un lecteur. Il est audacieux tout en ne dépassant pas certaines limites, et d’une rare originalité.
Audacieux, parce qu’Alexis – l’amant – est aussi impudique que pervers, poursuivant la conquête d’une femme inaccessible, Sophie, alors même qu’il entretient d’autres liaisons.
Original, parce que peu d’auteurs ont été aussi loin dans la recherche du plaisir et de « l’infinitude » humaine. Nous voyons les amants entrer dans la chambre, monter dans le lit, se caresser, se posséder, se détester.
Le roman, d’une grande virtuosité, nous promène entre Rennes, Paris, Florence et New-York. L’amant y prêche « la merveilleuse abjection, la jouissance absolue de l’obscène, la chute vertigineuse dans l’immonde » tandis que Sophie, « chaque matin, gémit après  la chose immonde et délicieuse », mais écrit à l’amant :   « Dieu t’aime puisque tu m’as rencontrée. »
Les personnages se découvrent à travers l’œil du lecteur. Nous sommes devant une tragédie au filon double : d’un côté une tragédie existentielle, de l’autre, une tragédie littéraire : dépendance vitale absolue des personnages qui se savent « potentiels éternels » livrés à ce « biodégradable » qu’est le lecteur.
Tentation pourrait bien être les Liaisons dangereuses de ce début du siècle. On y retrouve la même audace, la même rigueur, un fol orgueil qui se joue des règles et des normes.

Extraits

Vous si belle, hiératique… votre apparition, je voudrais donner à ce mot son sens religieux, iconique, oui, votre apparition au Cercle d’Orphée, noire, blanche de visage, émaciée, douloureuse, l’élégance de votre démarche si rare chez les femmes… je crains d’être grossier, aussi j’arrête là…, fragments qui me viennent à l’esprit, quand il dit ah, boire votre sexe jusqu’à plus soif ! Quand de son écriture âpre, il ouvre l’infini des profondeurs.
A tous les hommes j’offre mon rire. J’écoute, je ris, ne les crois pas. Ils espèrent, puis désespèrent. S’attaquent à des femmes plus faciles. Désir et orgueil mêlés, Alexis me veut. Il me veut, la belle affaire. Comme tous, il me veut, c’est le jeu. Je replie sa lettre. J’existe un peu plus. J’ignore que j’existe un peu plus. Dix ans d’appel violent. Moi, rien. Quelques formules de politesse. Merci d’avoir pensé à moi… amicalement. Il devenait fou, suppliait.