… Et les mères ? A-t-on parlé des mères ? C’est du ressort de l’émotionnel, on ne peut pas en parler, c’est indécent comme tout ce qui est sentiment vrai, vécu, de l’insupportable qu’on ne veut pas voir, pas sentir, pas éprouver. On veut du solide, du juridique, on veut des Dutroux, des Nihoul, des noms, des faits nus et bruts. On suppute : réseaux, ou pas réseaux ? La grande question qui tient en haleine les journalistes du monde entier. Les notables de ce royaume peut-être, qui sait ? Une friandise à se mettre sous la dent… Mais la douleur des mères, ça ne se vend pas, ça se dissimule, c’est indicible, c’est du domaine du ventre, du resserrement, des sanglots muets, de l’horreur cachée, dérobée, de l’imaginaire horrifié, de l’invention, du délire, de la projection de souffrances enfantines, ces enfants séquestrées, violées, manipulées par de grandes mains, ces petites filles qui appellent leur mère.
Revue générale, Avril 2004