…… Aujourd’hui, plus que jamais, le français est banni de Flandre. En Wallonie, les jeunes élites étudient le néerlandais afin de devenir bilingues. Mais il existe encore des francophones de Flandre qui manient les deux langues. C’est dire qu’un Belge aura toujours cette truculence et cet accent qui le différencie du Français de France. Je n’échappe pas à mes deux terres et mes deux langues. J’aime l’écriture faite de rocaille wallonne ou de gourmandise flamande, c’est pourquoi, en littérature, Jean-Pierre Verheggen et Dominique Rolin me sont proches.
VERHEGGEN, patronyme à consonance flamande est wallon. Notre Rabelais, notre, porno-pudique s’amuse (mais c’est un jeu tragique) à glisser la langue, à déraper ses glossolalies…. Ce mélange de vrai français et de faux wallon apporte aux oreilles étrangères une langue qu’elles croient wallonne, alors qu’elle est pure Verheggen…
ROLIN, patronyme à consonance française, habille Dominique faite de cette bonne terre flamande, même si elle s’en défend (elle a fini par m’écrire : va pour la Flandre !) Car son terreau mythique n’est-il pas celle-là ? Et sa moedertaal le français ? Echte Belg, née à Bruxelles, de grand-mère néerlandaise, elle habite Paris.
Je pourrais évoquer trente ans d’amour fou ou l’accoudoir, ou la rénovation, tous, de cette écriture élastique qui prend au lasso le lecteur. C’est Dulle Griet qui m’attache ici :
…On croirait voir le célèbre tableau de Bruegel avec les narines de ses petits monstres dodus, les bouches ouvertes pour happer ou rejeter les mot-moutons fourmillants de couleurs et d’activités surprenantes, et un des mots-chefs, énorme, dégorgeant d’une bouche noire les acteurs minimes et insolite de la toiles. Tout y est de la vie : les soldats, la mer, un lampadaire dans lequel sont enfermés des corps nus, la FEMME, armurée et ménagère, protégée et nourricière, maîtresse de ce grouillement de vie qui, sans elle, ne serait que mort.
Europe Plurilingue, Editions Arles, décembre 1998