Trois jours que je n’écris plus faute de temps. Le temps fautif s’est dérobé dans le choix des vinyles qui habilleront notre chambre, le « bordel » (lieu d’écriture), la salle de bain et le bureau de N. Ce qui précède m’ennuie à périr. Par contre, j’aime dire ce qui traverse mes viscères, mon plexus, le cerveau, alors je jouis l’écriture. Ignoré des médicastres et autres philosophes, le plexus se nourrit d’infini et de terrestre (ce mot sabote ma phrase et me plonge dans le Hussard bleu, avec sa résonance de feuilles croquantes et d’humus, d’odeurs et d’automne rouge et ocre), ce réel qui tout à coup surgit dans le vide du « bordel », le chant des oiseaux et le bruit des avions, la torpeur malgré tout d’un jour qui commence et d’une page qui s’achève. Ainsi les pensées tièdes, quelques cicatrices qu’on n’ose gratter, qu’on refuse de gratter car enfin la santé et l’équilibre tentent leur chance, des bribes de héros mêlés à mon quotidien, tout cela peut-il faire un livre ?
Sinn und Sinn-Bild (festschrift für Joseph P. Sterlka), Verlag Peter Lang, 1987